CITATIONS
Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. »
On aura les conséquences. Celui qui creuse, une fosse y tombe. Celui qui rompt une haie, le serpent le mord.
— L'Ecclésiaste, X, 8.
Faute de calcul, une part énorme de l’avenir a été livrée à l’inconnu et au hasard, une part qui dépasse à l’excès les limites que rencontrent les intelligences les plus profondes lorsqu’elles s’appliquent à diriger le cours des grandes affaires.
Il n’est pas rare qu’après une guerre gagnée, le vainqueur, ou, quand il y a des coalisés, l’un au moins des vainqueurs soit mécontent de la paix et pense qu’il a été dupe.
D'ordinaire, en politique, les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, c'est-à-dire quand il est trop tard. Le principe de causalité, qui tourmente à peine les hommes, est encore plus indifférent aux peuples. Il est naturel que des démocraties aient conclu une grande paix sans se soucier des répercussions.
Nous sommes donc partis, dans ce livre, du plus simple pour aller au composé, jusqu'aux limites où ce composé commence à se dissoudre dans un détail impalpable. C'est tout ce qu'il y a de méthodique dans cet ouvrage.
« L'abrégé de tous les préceptes consiste au bon sens », disait Louis XIV qui en avait beaucoup.
Il ne fallait pas être extrêmement perspicace pour découvrir que ces quelques mots : « et l'Allemagne d'autre part, » étaient dans le traité de Versailles comme le ver dans le fruit.
Le peuple français est retenu pour longtemps en Europe et dans le bassin de la Méditerranée. Notre attention doit se fixer d'abord sur ce qui se passe à nos portes. D'ailleurs, plus on s'éloigne de nos frontières, plus les affaires s'obscurcissent, plus on est réduit aux vagues suppositions.
« On aura les conséquences », avait dit le sage d'Israël, rassasié de voir les dirigeants recommencer les mêmes fautes et les foules confier leur vie et leurs destins aux mêmes dirigeants. Les conséquences viennent toujours. Et nous les avons déjà.
Sans doute les auteurs d'un traité n'ont pas coutume de dire en public les raisons pour lesquelles ils ont pris tel parti plutôt que tel autre. Lorsqu'il s'agit de coalisés qui, une fois la victoire acquise, obéissent à des intérêts divers, cette dissimulation est plus naturelle encore. Le langage de l'idéalisme est commode et il était déjà venu aux lèvres des vainqueurs de 1815. Nous savons aujourd'hui quels avaient été les calculs, les soucis, les différends des Alliés de l'autre siècle.
Le recours à la garantie — quel que soit le sort de la convention, quelle qu'en soit la valeur pratique — témoigne, de toute façon, contre une paix qui n'est pas reconnue capable de se soutenir par elle-même et qui a si peu changé la face du monde qu'il importe d'envisager l'hypothèse où la même guerre renaîtrait dans les mêmes conditions.
La Conférence de la paix a été un concile. Après qu'il eut été entendu, une fois pour toutes, qu'on ne reviendrait ni sur la liberté des mers, ni sur les colonies, ni sur les navires de l'Allemagne, les principaux négociateurs, forts de l'armée d'experts et de techniciens qui leur apportaient, sur des questions particulières, des mémoires et des solutions, édifièrent une nouvelle Europe. Et lorsque, du silence parfois coupé d'orages où le Conseil suprême s'était enfermé, sortit le plus important des traités, celui de Versailles, qui donnerait leur forme aux autres, voici le monstre que l'on vit.
Une Allemagne diminuée d'environ 100 000 kilomètres carrés, mais, sur ce territoire réduit, réunissant encore soixante millions d'habitants, un tiers de plus que la France, subsistait au centre de l'Europe.
L'unité allemande n'était pas seulement maintenue, mais renforcée. Les Alliés avaient affirmé leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires intérieures allemandes. Ils y étaient intervenus pourtant. Toutes les mesures qu'ils avaient prises avaient eu pour résultat de centraliser l'État fédéral allemand et de consolider les anciennes victoires de la Prusse. S'il y avait des aspirations à l'autonomie ou au fédéralisme parmi les populations allemandes, elles étaient étouffées. Le traité poussait, enfermait, parquait 60 millions d'hommes entre des frontières rétrécies.
Du fond de la Galerie des Glaces, Müller et Bell, de noir habillés, avaient comparu devant les représentants de vingt-sept peuples réunis. Dans le même lieu, sous les mêmes peintures, quarante-huit ans plus tôt, l'Empire allemand avait été proclamé. Il y revenait pour s'entendre déclarer à la fois coupable et légitime, intangible et criminel. À sa condamnation, il gagnait d'être reconnu.
Une paix trop douce pour ce qu'elle a de dur : dès qu'elle avait été connue, nous en avions donné cette définition.
Le traité enlève tout à l'Allemagne, sauf le principal, sauf la puissance politique, génératrice de toutes les autres. Il croit supprimer les moyens de nuire que l'Allemagne possédait en 1914. Il lui accord le premier de ces moyens, celui qui doit lui permettre de reconstituer les autres, l'État, un État central, qui dispose des ressources et des forces de 60 millions d'êtres humains et qui sera au service de leurs passions.
La Prusse d'aujourd'hui, c'est l'Allemagne. Le traité de Versailles les confond. Et ce que ressent la Prusse, l'Allemagne doit le ressentir aussi. Le désarmement qu'ordonne le traité de Versailles est une garantie encore plus faible que celui que Napoléon lui-même n'avait pu obtenir, — et pourtant Napoléon était entré à Berlin.
En 1813, le militarisme ne disposait que des ressources de la Prusse frédéricienne. En 1870, des ressources de la Prusse bismarckienne. Pour sa renaissance, il aura celles de tout l'Empire allemand, tel que le traité de Versailles l'a reconnu et consacré.
La paix a conservé et resserré l'unité de l'État allemand. Voilà ce qu'elle a de doux. Cette concession essentielle n'aggrave pas seulement, pour le désarmement, les difficultés de la surveillance. Nous répétons que la puissance politique engendre toutes les autres et un État de soixante millions d'hommes, le plus nombreux de l'Europe occidentale et centrale, possède dès maintenant cette puissance politique. Tôt ou tard, l'Allemagne sera tentée d'en user. Elle y sera même poussée par les justes duretés que les Alliés ont mises dans les autres parties de l'acte de Versailles. Tout est disposé pour faire sentir à 60 millions d'Allemands qu'ils subissent en commun, indivisiblement, un sort pénible. Tout est disposé pour leur donner l'idée et la faculté de s'en affranchir, et les entraves elles-mêmes serviront de stimulants.
Pendant plus d'une génération, les Allemands devront payer tribut aux Alliés. Ils devront payer le tribut principal aux Français qui sont un tiers de moins qu'eux : quarante millions de Français ont pour débiteurs soixante millions d'Allemands dont la dette ne peut être éteinte avant trente années, un demi-siècle peut-être.
Regardez encore cette carte si parlante. Accroupie au milieu de l'Europe comme un animal méchant, l'Allemagne n'a qu'une griffe à étendre pour réunir de nouveau l'îlot de Kœnigsberg. Dans ce signe, les prochains malheurs de la Pologne et de l'Europe sont inscrits.
Pour que les petits États suscités ou ressuscités à l'Est de l'Allemagne pussent grandir, s'organiser, se développer, passer par les maladies et les crises de la croissance dans une sécurité relative, il ne fallait pas qu'une énorme Allemagne pesât sur eux. La politique des nationalités, encore plus que la politique d'équilibre, exigeait la dissociation de l'Allemagne. De petits États ne sont pas en sécurité auprès d'un seul resté grand.
Entre la soumission et la lutte, il n'y a pas de milieu.
Une guerre avec l'Allemagne serait le suicide de la Tchéco-Slovaquie. Une extrême prudence est ordonnée au gouvernement de Prague. Et la prudence s'appelle neutralité. Et la neutralité inconditionnelle, absolue, s'appelle bientôt l'assujettissement.
Trop grande tentation pour l'Allemagne de réincorporer à la patrie allemande les pays autrichiens. Trop grande tentation pour l'État de Vienne de rejoindre une communauté vaste et puissante.
Pologne, Tchéco-Slovaquie, Autriche supposaient, pour durer, qu'il n'y aurait pas à côté d'elles une grande Allemagne. L'existence et la sécurité de ces petits États supposaient d'autres petits États. Aucune considération de ce genre ne se trouve dans le traité de Versailles. Il n'apparaît même pas qu'à aucun moment les auteurs de la paix aient songé à ces questions d'équilibre. Le traité de Versailles n'est pas un traité politique.
La politique consiste essentiellement à prévoir. Le traité du 28 juin est remarquable par son imprévoyance.
Quant au premier des points, celui qui tient le reste en sa dépendance, l'équilibre des forces, c'est au contraire celui qui n'est même pas considéré.
C'est toujours à l'équilibre des forces, à l'équilibre politique qu'on se trouve ramené.
Qu'est-ce que la Société des Nations ? L'équilibre irréel au lieu de l'équilibre réel.
Quelle sera désormais la nature de nos rapports avec l'Allemagne ? C'est la première des questions. C'est le bout de la chaîne. Et l, il n'y a pas de doute. Il n'y a pas de choix. Si nous avons échappé à la dépendance de l'Allemagne, nous restons dans la dépendance du problème allemand.
Il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison, mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n'était pas allumé.
Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j'entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d'un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l'étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu'il suit va être gravé dans son souvenir par l'excitation qu'il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.
J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance.
C'est minuit ; on vient d'éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.
Swann est une démonstration. Comme j'ai (je pense à une comparaison musicale) un grand nombre de thèmes à exposer ou (sportive) de chevaux à faire partir, il y a un peu d'encombrement au départ. Mais croire que c'est écrit au hasard des souvenirs !
(Lettre à Daniel Halévy)
Quelques fois, comme Ève naquit d'une côte d'Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d'une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j'étais sur le point de goûter, je m'imaginais que c'était elle qui me l'offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s'y rejoindre, je m'éveillais. Le reste des humains m'apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j'avais quittée, il y avait quelques moments à peine ; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille. Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d'une femme que j'avais connue dans la vie, j'allais me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s'imaginent qu'on peut goûter dans une réalité le charme du songe. Peu à peu son souvenir s'évanouissait, j'avais oublié la fille de mon rêve.
Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l'ordre des années et des mondes.
Chambres d'été où l'on aime être uni à la nuit tiède, où le clair de lune appuyé aux volets entr'ouverts jette jusqu'au pied du lit son échelle enchantée, où on dort presque en plein air, comme la mésange balancée par la brise à la pointe d'un rayon.
À Combray, tous les jours dès la fin de l'après-midi, longtemps avant le moment où il faudrait me mettre au lit et rester, sans dormir, loin de ma mère et de ma grand'mère, ma chambre à coucher redevenait le point fixe et douloureusement de mes préoccupations. On avait bien inventé, pour me distraire les soirs où on me trouvait l'air trop malheureux, de me donner une lanterne magique, dont, en attendant l'heure du dîner, on coiffait ma lampe ; et, à l'instar des premiers architectes et maîtres verriers de l'âge gothique, elle substituait à l'opacité des murs d'impalpables irisations, de surnaturelles apparitions multicolores, où des légendes étaient dépeintes comme dans un vitrail vacillant et momentané.
Homme de la guerre, M. Clemenceau n'était pas préparé à la paix.
Quand le conseil des Alliés chercha le moyen de désarmer l'Allemagne, il oublia le meilleur, qui était de ne laisser subsister que de petites armées attribuées à chacun des États allemands.
On nous a dit qu'une politique réaliste et pratique le voulait aussi, qu'une grande Allemagne aux rouages simplifiés, formant un tout économique, serait, pour nos réparations, un débiteur plus sûr qu'une Allemagne composée de petits États médiocrement prospères. Ce raisonnement commence à apparaître comme une des folies les plus remarquables de l'histoire moderne. Nous y avons gagné que 40 millions de Français sont créanciers d'une masse de 60 millions d'Allemands, et pour une créance recouvrable en trente ou quarante années.
O naïfs diplomates napoléoniens, disions-nous alors, savez-vous ce qui arrivera ? C'est que vous n'aurez pas les provinces rhénanes et que l'Allemagne gardera l'Autriche.
Elle ne renonce pas à l'espoir de la prendre un jour. C'est, à portée de sa main, une tentation permanente.
Rien n'est fini peut-être, et la fragilité de la paix laisse entrevoir plus d'une possibilité de bouleversements dans l'Europe centrale. Ces bouleversements ne nous seront pas nécessairement favorables et ils nous exposeront à de nouveaux dangers, ils exigeront de nous de nouveaux efforts. Un rendez-vous à une autre fois est probablement donné à l'Allemagne et à la France.
« L'Allemagne n'accepte pas sa défaite. »
— André Lefèvre
Pourquoi l'idée d'une revanche allemande est-elle si peu absurde que nous soyons obligés de revenir au régime de la paix armée ?
Mille ans d'histoire avaient vu déjà bien des changements, bien des retournements de situation entre l'Empire germanique et la France. La période 1871-1914 a vu s'accomplir une expérience toute particulière. La France et l'Allemagne avaient achevé leur unité.
Quelle que soit l'immensité des événements (et il ne peut y en avoir qui dépassent ceux de la guerre universelle), il existe toujours un lien entre la situation qui suit un bouleversement politique et celle qui l'a précédé.
De la défense passer à l'agression, il n'y a qu'un pas : les motifs sont les mêmes. La possession d'un bon instrument militaire donne fatalement l'envie de s'en servir.
Mais les événements ne suivent jamais la voie qu'on leur assigne, surtout quand on veut que les choses soient autrement qu'elles ne sont, ce qui, disait Bossuet, est « le plus grand dérèglement de l'esprit. »
Cette Allemagne à qui il est défendu, justement défendu, pour des raisons d'intérêt européen, de compléter son unité par l'Anschluss, elle garde d'autre part cette unité, inachevée à ses yeux. Elle reste un centre d'attraction puissant pour la petite République de Vienne. L'accessoire est séparé du principal. Et l'accessoire est sans défense, réduit à une vie misérable et précaire.
Grand est le nombre des hommes qui subissent, qui vivent, souffrent et meurent sans avoir interrogé. Petit le nombre de ceux qui cherchent à déchiffrer les causes pour lesquelles ils payent jusque dans leur chair.
Pour Macbeth mourant, Shakespeare adresse au monde son adieu et son mépris : « Une fable contée par un fou, avec un grand fracas de mots et de gestes, et qui ne signifie rien ». Voltaire a vu les hommes s'agiter. Il a écrit les annales de dix peuples. Il désespère d'expliquer. Il refuse d'encourager les politiques et les historiens : « Le gros du genre humain a été et sera toujours imbécile ; les plus insensés sont ceux qui ont voulu trouver un sens à ces fables absurdes et mettre de la raison dans la folie ». Shakespeare et Voltaire se rencontrent dans le dédain et dans la pitié. Rien n'instruit et rien n'améliore. L'expérience des pères est perdue pour les enfants. L'humanité tourne dans un cercle de douleurs.
On peut conclure à l'indifférence, à l'inutilité de tout. C'est bien si, pour son compte, on est résolu à endurer les suites de la sottise en se consolant de ce qu'il souffre par l'âcre plaisir que procure le spectacle de l'universelle insanité.
Nous aurons les conséquences. Et nous les aurons tous. Elles viendront chercher l'ironiste et le philosophe. On ne sépare pas son sort de celui des nations. Ou bien on ne l'en sépare qu'à la condition de renoncer à soi-même pour se moquer du genre humain.
Un vrombissement assourdissant.
Il est 9 h 59, 11 septembre 2001 et le géant de verre et d'acier s'effondre sur lui-même. En quelques secondes, la tour sur du World Trade Center n'est plus qu'un amas de poussière gargantuesque qui s'abat à travers les rues de Manhattan, dans un nuage de mort.
Et sous un ciel intense, dont l'azur d'une lumière nouvelle étreint la ville, les rescapés de l'instant lèvent les yeux sur la beauté de l'effroi. Les tours jumelles du World Trade Center ont disparu.
Tout ça pour ça.
Bienvenue dans le XXIe siècle.
La sécurité manque à tous ces pays dont la construction n’est ni naturelle ni rationnelle. La force leur manque également. Et quand des peuples ne se sentent ni forts ni sûrs, leur politique louvoie.
Si les nouvelles nations vivent toutes, nous avons chance de voir, entre amis et ennemis d’hier, les alliances les plus bizarres et aussi les plus instables. On sait que le nombre des combinaisons d’un jeu de trente-deux cartes est presque infini, et l’Europe compte désormais trente-deux États entre lesquels les combinaisons pourront également varier à l’infini au gré des événements, des passions et des intérêts.
L’histoire est d’une fatigante monotonie.
L’artificiel, c’est le décret qui rend à un peuple l’indépendance sans lui donner les moyens de la garder et qui le met de prime abord en état d’infériorité vis-à-vis de ses ennemis-nés.
La Pologne a été restaurée au hasard. C’est un enfant mineur chargé de se conduire seul dans la vie. On n’a pas songé un instant qu’à une Pologne morte autrefois de la mauvaise qualité de ses institutions, il n’était pas donné des institutions meilleures. Une République de Pologne succède à la République de Pologne. À aucun point de vue, il n’était raisonnable de semer la démocratie parmi les peuples libérés de l’Europe centrale et orientale. Les résultats peuvent être rapidement funestes.
Voilà un document à lire et à méditer aujourd’hui. Il faudrait pouvoir le relire quand un siècle aura passé.
L'Autriche, qui n'était pas une nation mais un État, qu'on pouvait rogner, modeler, déplacer selon les besoins de l'heure, cette commode Autriche n'est plus. À sa place, des nations ont surgi. Et quand on taille dans la chair d'une nation, elle crie, elle résiste.
Des ennemis, partout des ennemis. Tel est l'état d'esprit que la paix a créé chez les Italiens.
Que les Italiens entrent en conflit avec les Yougo-Slaves, qu'ils s'allient avec eux par l'intermédiaire de l'Allemagne (car ce ne peut être, comme avec l'Autriche, que tout l'un ou l'autre, l'alliance ou le conflit), notre embarras sera égal, nous subirons les conséquences de la même façon. Cette Adriatique, la seule mer peut-être où nous n'ayons rien à faire, où nous n'ayons pas d'intérêts, l'amertume en reste à l'Italie et les orages pour nous.