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DATE DE PUBLICATION ORIGINALE
1er janvier 1920
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257
DERNIÈRE MISE À JOUR
2025-04-19 16:06:51
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Essai
RÉSUMÉ
« Les Conséquences politiques de la paix » (1920) de Jacques Bainville est un essai critique sur le traité de Versailles, signé après la Première Guerre mondiale. L’auteur, monarchiste et historien français, y développe l’idée que la paix imposée à l’Allemagne est une illusion dangereuse : trop sévère économiquement, elle humilie l’Allemagne sans la neutraliser militairement, ce qui, selon lui, prépare inévitablement une revanche allemande. Bainville dénonce l’incohérence géopolitique du nouveau découpage de l’Europe, notamment la faiblesse des nouveaux États issus de l’Empire austro-hongrois, et l’absence de stabilité politique. Visionnaire, il prédit que cette paix mal conçue ne garantit pas la sécurité future, mais sème au contraire les germes d’un nouveau conflit mondial.
HISTOIRE
« Les Conséquences politiques de la paix », publié en 1920 par Jacques Bainville, est un essai critique du traité de Versailles signé en 1919, qui mit fin à la Première Guerre mondiale. Bainville, historien et journaliste français affilié à l’Action française, y développe l’idée que ce traité, loin d’assurer une paix durable, prépare les conditions d’un futur conflit majeur.
Critique du traité de Versailles
Bainville estime que le traité de Versailles est fondamentalement déséquilibré. Il le décrit comme « une paix trop douce pour ce qu’elle a de dur, et trop dure pour ce qu’elle a de doux ». Selon lui, les sanctions économiques et territoriales imposées à l’Allemagne sont humiliantes et sévères, mais insuffisantes pour empêcher sa résurgence en tant que puissance dominante en Europe. Il critique notamment le maintien de l’unité allemande, estimant que cela permet à l’Allemagne de conserver une base solide pour une éventuelle revanche. 
Préservation de l’unité allemande
L’une des principales préoccupations de Bainville est que le traité n’a pas démantelé l’Allemagne, laissant intacte sa structure étatique et son potentiel démographique. Avec une population d’environ 60 millions d’habitants, contre 40 millions pour la France, l’Allemagne conserve un avantage significatif. Bainville souligne que cette disparité démographique, combinée à une économie potentiellement florissante, rend probable une future domination allemande en Europe.
Fragilité des nouveaux États européens
L’auteur critique également le redécoupage de l’Europe centrale et orientale, résultant en la création de plusieurs petits États, tels que la Pologne et la Tchécoslovaquie. Selon Bainville, ces nations sont trop faibles pour résister à une Allemagne revancharde et risquent de devenir des zones d’instabilité. Il considère que la création de ces États, souvent composés de populations ethniquement hétérogènes, complique davantage la situation géopolitique et rend la région vulnérable aux ambitions allemandes.  
Conséquences économiques et militaires
Bainville met en garde contre les réparations financières imposées à l’Allemagne, les jugeant irréalistes et sources de ressentiment. Il anticipe que l’Allemagne cherchera à se soustraire à ces obligations, alimentant ainsi des tensions internationales. De plus, il souligne que les clauses de démilitarisation sont facilement contournables et n’offrent pas de garanties réelles pour la sécurité de la France. 
Prédictions et postérité de l’ouvrage
L’une des caractéristiques les plus remarquables de l’ouvrage est la précision avec laquelle Bainville anticipe les événements qui mèneront à la Seconde Guerre mondiale. Il prévoit notamment l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, la crise des Sudètes en Tchécoslovaquie et un pacte entre l’Allemagne et la Russie contre la Pologne. Ces prédictions, confirmées par les faits deux décennies plus tard, ont valu à Bainville une reconnaissance posthume pour sa clairvoyance en matière de géopolitique. 
Réception critique
À sa parution, l’ouvrage de Bainville suscite des réactions mitigées. Certains contemporains, comme John Maynard Keynes, partagent ses inquiétudes concernant les conséquences du traité de Versailles, bien que leurs analyses diffèrent sur certains points. Keynes, dans Les Conséquences économiques de la paix, publié en 1919, critique également le traité, mais en se concentrant sur les aspects économiques. Au fil du temps, « Les Conséquences politiques de la paix » est reconnu comme un chef-d’œuvre de l’analyse géopolitique, salué pour sa lucidité et la pertinence de ses prédictions.  
Conclusion
En somme, « Les Conséquences politiques de la paix » de Jacques Bainville offre une analyse approfondie et prophétique des failles du traité de Versailles. L’ouvrage souligne les erreurs stratégiques commises par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale et met en garde contre les dangers d’une paix mal conçue. Par sa rigueur et sa clairvoyance, ce livre demeure une référence incontournable pour comprendre les dynamiques politiques et géopolitiques de l’Europe au XXᵉ siècle.
ANECDOTES
- Écrit à chaud : Bainville rédige ce livre juste après la signature du Traité de Versailles (1919). C’est une réaction quasi immédiate au règlement de la Première Guerre mondiale.
- Un contre-discours : À l’époque, la majorité des intellectuels et hommes politiques français sont favorables au traité. Bainville fait figure de voix dissidente dans un climat d’enthousiasme national.
- Un historien chez les politiques : Bien qu’il soit surtout historien et journaliste, Bainville s’implique ici dans une analyse géopolitique prospective. Il démontre que l’Histoire peut être un outil d’analyse du présent, pas seulement une discipline académique.
- Un livre de prévisions : L’ouvrage est célèbre pour sa capacité prémonitoire. Il anticipe de manière troublante les déséquilibres que le traité va créer en Europe et, notamment, la montée en puissance de l’Allemagne après l’humiliation de Versailles.
- Prévision de la Seconde Guerre mondiale : Bainville écrit en 1920 que le traité, en affaiblissant l’Allemagne sans la désarmer réellement, prépare les conditions d’une revanche allemande. Ses prévisions semblent incroyablement précises rétrospectivement.
- Critique de Wilson : Il critique le président américain Woodrow Wilson et son idéalisme politique, en particulier son insistance sur le "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes", qu’il juge impraticable et dangereux.
- Lucidité contre courant : Il est l’un des seuls à défendre l’idée que la paix de Versailles n’est qu’une pause entre deux guerres. À l’époque, cette vision est perçue comme exagérément pessimiste, voire antipatriotique.
- Un style clair et incisif : Le livre frappe par la limpidité du raisonnement et un style journalistique très efficace. Bainville n’écrit pas comme un universitaire, mais comme un éditorialiste lucide et tranchant.
- Lecture recommandée à l’ENA et à Saint-Cyr : Pendant longtemps, ce livre a été recommandé, voire obligatoire, dans les grandes écoles françaises de formation aux carrières politiques ou militaires.
- Inspirateur de De Gaulle ? : Même si De Gaulle ne le cite pas directement dans ses Mémoires, les idées de Bainville ont fortement imprégné une partie de la pensée gaullienne sur la souveraineté et l’équilibre des puissances.
- Instrumentalisé par la droite monarchiste : Bainville étant un royaliste (membre de l’Action française), le livre a été repris dans les milieux nationalistes comme preuve de la faillite de la démocratie républicaine à assurer la paix.
- Longtemps marginalisé après 1945 : Du fait de son étiquette politique, l’œuvre a été quelque peu ostracisée dans le monde universitaire après la Seconde Guerre mondiale, malgré ses qualités d’analyse.
- Critique de la création de la Tchécoslovaquie : Bainville y voit un état artificiel, difficilement viable sur le long terme à cause de la mosaïque ethnique.
- Une obsession pour la géographie : L’un des fondements de sa critique du traité est que la géographie détermine la politique. Pour lui, un traité est mauvais s’il ne tient pas compte des réalités géographiques et ethniques.
- Vision de la Russie : Bainville prédit également que la Russie, affaiblie par la révolution bolchévique, reviendra tôt ou tard comme puissance majeure – ce qui s’est réalisé avec l’URSS.
- Tirage initial modeste : Le livre ne connaît pas un succès retentissant à sa sortie, mais il gagne en notoriété à mesure que les événements lui donnent raison.
- Un classique discret : Il est aujourd’hui régulièrement réédité, souvent sans annotation, et reste un classique de la pensée politique française, bien qu’encore peu lu en dehors des cercles spécialisés.
PERSONNAGES
Dans l'ordre d'apparition :
Avant-propos
John Maynard Keynes (p. 4)
Bernard Le Bouyer de Fontenelle (p. 4)
Chapitre I : La faute des choses et la faute des hommes
Raymond Poincaré (p. 6)
Alexandre Millerand (p. 7)
Lord Lansdowne, de son nom complet Henry Charles Keith Petty-Fitzmaurice (p. 9)
Édouard VII (p. 9)
Giovanni Giolitti (p. 9)
Adolphe Thiers (p. 11)
Otto von Bismarck (p. 12)
Guillaume II (p. 12)
Félix Potin (p. 13)
Louis XIV (p. 13)
Antonio di Rudinì, de son nom complet Antonio Starabba, marquis di Rudinì (p. 13)
Chapitre II : Caractères de la paix
David Lloyd George (p. 16)
Georges Clemenceau (p. 17)
Woodrow Wilson (p. 18)
Ottokar Czernin, de son nom complet Ottokar Theobald Otto Maria, comte Czernin de et à Chudenitz (p. 23)
Hermann Müller (p. 24)
Johannes Bell (p. 24)
Hugo Stinnes (p. 25)
Napoléon (p. 25)
Baron Charles Henri de Stein, de son nom complet Heinrich Friedrich Karl Reichsfreiherr vom und zum Stein (p. 26)
Gerhard von Scharnhorst, de son nom complet Gerhard Johann David von Scharnhorst (p. 26)
Ferdinand von Schill (p. 26)
Frédéric II (p. 29)
Voltaire, de son nom complet François-Marie Arouet (p. 29)
Emmanuel Kant (p. 29)
Helmuth von Moltke, de son nom complet Helmuth Karl Bernhard, comte von Moltke (p. 34)
Chapitre III : Ce qui a sauvé l'unité allemande
André Tardieu (p. 37)
Nicolas II (p. 38)
Napoléon III (p. 39)
Paul Deschanel (p. 39)
Philipp Scheidemann (p. 40)
Louis III (p. 40)
Comte Georg von Hertling (p. 45)
Max de Bade (p. 45)
Charles Ier (p. 46)
Guillaume Ier (p. 46)
Albert Ier (p. 46)
Dr. Hans Angerer (p. 47)
Théodore Chevignard de Chavigny (p. 49)
Kurt Eisner (p. 49)
Jules Cambon (p. 50)
Stephen Pichon (p. 51)
Joseph Caillaux (p. 54)
Henrik Ibsen (p. 54)
George Sand (p. 54)
Léon Tolstoï (p. 54)
Jean-Jacques Rousseau (p. 54)
Hans Adam Dorten (p. 55)
Chapitre IV : Soixante millions d'Allemands débiteurs de quarante millions de Français
André Lefèvre (p. 57)
Léon Gambetta (p. 61)
Otton IV (p. 62)
Charles-Quint (p. 62)
Bernhard von Bülow (p. 62)
Jules Michelet (p. 64)
Jean Jaurès (p. 64)
Martin Luther (p. 65)
Friedrich Schiller (p. 65)
Ludwig van Beethoven (p. 65)
Jacques-Bénigne Bossuet (p. 65)
Arthur Heichen (p. 67)
Maurice de Saxe (p. 72)
Chapitre V : Ils ignoreront
Macbeth (p. 74)
William Shakespeare (p. 74)
Alphonse XIII (p. 76)
Virgile (p. 78)
Chapitre VI : Le jeu de trente-deux cartes
Louis XV (p. 82)
Pierre III (p. 82)
Vladimir Ilitch Lénine (p. 83)
Charles Benoist (p. 87)
Elefthérios Venizélos (p. 87)
William Morton Fullerton (p. 93)
Chapitre VII : L’alerte de 1920 et l’avenir des Slaves
Joseph de Maistre (p. 94)
Ernest Renan (p. 94)
David Friedrich Strauss (p. 94)
Gengis-Kahn (p. 94)
Tamerlan (p. 94)
Alexis de Tocqueville (p. 96)
François Guizot (p. 101)
Émile de Girardin (p. 101)
Antonin Debidour (p. 101)
Ernest Lavisse (p. 109)
Léon Biliński (p. 110)
Étienne-François de Choiseul (p. 111)
Gustave III (p. 111)
Appendice au chapitre VIII : L’Allemagne et la Pologne
Catherine II (p. 113)
Marie-Thérèse de France (p. 113)
Pierre Ier le Grand (p. 114)
Alexandre Souvorov (p. 114)
Léon Trotsky (p. 114)
Chapitre VIII : L’imbroglio adriatique
Théophile Delcassé (p. 119)
Sixte de Bourbon-Parme (p. 121)
Chapitre IX : Hypothèses et probabilités
Chapitre X : Position de la France
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3 photos
CITATIONS
On aura les conséquences. Celui qui creuse, une fosse y tombe. Celui qui rompt une haie, le serpent le mord.
— L'Ecclésiaste, X, 8.
Faute de calcul, une part énorme de l’avenir a été livrée à l’inconnu et au hasard, une part qui dépasse à l’excès les limites que rencontrent les intelligences les plus profondes lorsqu’elles s’appliquent à diriger le cours des grandes affaires.
Il n’est pas rare qu’après une guerre gagnée, le vainqueur, ou, quand il y a des coalisés, l’un au moins des vainqueurs soit mécontent de la paix et pense qu’il a été dupe.
D'ordinaire, en politique, les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, c'est-à-dire quand il est trop tard. Le principe de causalité, qui tourmente à peine les hommes, est encore plus indifférent aux peuples. Il est naturel que des démocraties aient conclu une grande paix sans se soucier des répercussions.
Nous sommes donc partis, dans ce livre, du plus simple pour aller au composé, jusqu'aux limites où ce composé commence à se dissoudre dans un détail impalpable. C'est tout ce qu'il y a de méthodique dans cet ouvrage.
« L'abrégé de tous les préceptes consiste au bon sens », disait Louis XIV qui en avait beaucoup.
Il ne fallait pas être extrêmement perspicace pour découvrir que ces quelques mots : « et l'Allemagne d'autre part, » étaient dans le traité de Versailles comme le ver dans le fruit.
Le peuple français est retenu pour longtemps en Europe et dans le bassin de la Méditerranée. Notre attention doit se fixer d'abord sur ce qui se passe à nos portes. D'ailleurs, plus on s'éloigne de nos frontières, plus les affaires s'obscurcissent, plus on est réduit aux vagues suppositions.
« On aura les conséquences », avait dit le sage d'Israël, rassasié de voir les dirigeants recommencer les mêmes fautes et les foules confier leur vie et leurs destins aux mêmes dirigeants. Les conséquences viennent toujours. Et nous les avons déjà.
Sans doute les auteurs d'un traité n'ont pas coutume de dire en public les raisons pour lesquelles ils ont pris tel parti plutôt que tel autre. Lorsqu'il s'agit de coalisés qui, une fois la victoire acquise, obéissent à des intérêts divers, cette dissimulation est plus naturelle encore. Le langage de l'idéalisme est commode et il était déjà venu aux lèvres des vainqueurs de 1815. Nous savons aujourd'hui quels avaient été les calculs, les soucis, les différends des Alliés de l'autre siècle.
Le recours à la garantie — quel que soit le sort de la convention, quelle qu'en soit la valeur pratique — témoigne, de toute façon, contre une paix qui n'est pas reconnue capable de se soutenir par elle-même et qui a si peu changé la face du monde qu'il importe d'envisager l'hypothèse où la même guerre renaîtrait dans les mêmes conditions.
La Conférence de la paix a été un concile. Après qu'il eut été entendu, une fois pour toutes, qu'on ne reviendrait ni sur la liberté des mers, ni sur les colonies, ni sur les navires de l'Allemagne, les principaux négociateurs, forts de l'armée d'experts et de techniciens qui leur apportaient, sur des questions particulières, des mémoires et des solutions, édifièrent une nouvelle Europe. Et lorsque, du silence parfois coupé d'orages où le Conseil suprême s'était enfermé, sortit le plus important des traités, celui de Versailles, qui donnerait leur forme aux autres, voici le monstre que l'on vit.
Une Allemagne diminuée d'environ 100 000 kilomètres carrés, mais, sur ce territoire réduit, réunissant encore soixante millions d'habitants, un tiers de plus que la France, subsistait au centre de l'Europe.
L'unité allemande n'était pas seulement maintenue, mais renforcée. Les Alliés avaient affirmé leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires intérieures allemandes. Ils y étaient intervenus pourtant. Toutes les mesures qu'ils avaient prises avaient eu pour résultat de centraliser l'État fédéral allemand et de consolider les anciennes victoires de la Prusse. S'il y avait des aspirations à l'autonomie ou au fédéralisme parmi les populations allemandes, elles étaient étouffées. Le traité poussait, enfermait, parquait 60 millions d'hommes entre des frontières rétrécies.
Du fond de la Galerie des Glaces, Müller et Bell, de noir habillés, avaient comparu devant les représentants de vingt-sept peuples réunis. Dans le même lieu, sous les mêmes peintures, quarante-huit ans plus tôt, l'Empire allemand avait été proclamé. Il y revenait pour s'entendre déclarer à la fois coupable et légitime, intangible et criminel. À sa condamnation, il gagnait d'être reconnu.
Une paix trop douce pour ce qu'elle a de dur : dès qu'elle avait été connue, nous en avions donné cette définition.
Le traité enlève tout à l'Allemagne, sauf le principal, sauf la puissance politique, génératrice de toutes les autres. Il croit supprimer les moyens de nuire que l'Allemagne possédait en 1914. Il lui accord le premier de ces moyens, celui qui doit lui permettre de reconstituer les autres, l'État, un État central, qui dispose des ressources et des forces de 60 millions d'êtres humains et qui sera au service de leurs passions.
La Prusse d'aujourd'hui, c'est l'Allemagne. Le traité de Versailles les confond. Et ce que ressent la Prusse, l'Allemagne doit le ressentir aussi. Le désarmement qu'ordonne le traité de Versailles est une garantie encore plus faible que celui que Napoléon lui-même n'avait pu obtenir, — et pourtant Napoléon était entré à Berlin.
En 1813, le militarisme ne disposait que des ressources de la Prusse frédéricienne. En 1870, des ressources de la Prusse bismarckienne. Pour sa renaissance, il aura celles de tout l'Empire allemand, tel que le traité de Versailles l'a reconnu et consacré.
La paix a conservé et resserré l'unité de l'État allemand. Voilà ce qu'elle a de doux. Cette concession essentielle n'aggrave pas seulement, pour le désarmement, les difficultés de la surveillance. Nous répétons que la puissance politique engendre toutes les autres et un État de soixante millions d'hommes, le plus nombreux de l'Europe occidentale et centrale, possède dès maintenant cette puissance politique. Tôt ou tard, l'Allemagne sera tentée d'en user. Elle y sera même poussée par les justes duretés que les Alliés ont mises dans les autres parties de l'acte de Versailles. Tout est disposé pour faire sentir à 60 millions d'Allemands qu'ils subissent en commun, indivisiblement, un sort pénible. Tout est disposé pour leur donner l'idée et la faculté de s'en affranchir, et les entraves elles-mêmes serviront de stimulants.
Pendant plus d'une génération, les Allemands devront payer tribut aux Alliés. Ils devront payer le tribut principal aux Français qui sont un tiers de moins qu'eux : quarante millions de Français ont pour débiteurs soixante millions d'Allemands dont la dette ne peut être éteinte avant trente années, un demi-siècle peut-être.
Regardez encore cette carte si parlante. Accroupie au milieu de l'Europe comme un animal méchant, l'Allemagne n'a qu'une griffe à étendre pour réunir de nouveau l'îlot de Kœnigsberg. Dans ce signe, les prochains malheurs de la Pologne et de l'Europe sont inscrits.
Pour que les petits États suscités ou ressuscités à l'Est de l'Allemagne pussent grandir, s'organiser, se développer, passer par les maladies et les crises de la croissance dans une sécurité relative, il ne fallait pas qu'une énorme Allemagne pesât sur eux. La politique des nationalités, encore plus que la politique d'équilibre, exigeait la dissociation de l'Allemagne. De petits États ne sont pas en sécurité auprès d'un seul resté grand.
Entre la soumission et la lutte, il n'y a pas de milieu.
Une guerre avec l'Allemagne serait le suicide de la Tchéco-Slovaquie. Une extrême prudence est ordonnée au gouvernement de Prague. Et la prudence s'appelle neutralité. Et la neutralité inconditionnelle, absolue, s'appelle bientôt l'assujettissement.
Trop grande tentation pour l'Allemagne de réincorporer à la patrie allemande les pays autrichiens. Trop grande tentation pour l'État de Vienne de rejoindre une communauté vaste et puissante.
Pologne, Tchéco-Slovaquie, Autriche supposaient, pour durer, qu'il n'y aurait pas à côté d'elles une grande Allemagne. L'existence et la sécurité de ces petits États supposaient d'autres petits États. Aucune considération de ce genre ne se trouve dans le traité de Versailles. Il n'apparaît même pas qu'à aucun moment les auteurs de la paix aient songé à ces questions d'équilibre. Le traité de Versailles n'est pas un traité politique.
La politique consiste essentiellement à prévoir. Le traité du 28 juin est remarquable par son imprévoyance.
Quant au premier des points, celui qui tient le reste en sa dépendance, l'équilibre des forces, c'est au contraire celui qui n'est même pas considéré.
C'est toujours à l'équilibre des forces, à l'équilibre politique qu'on se trouve ramené.
Qu'est-ce que la Société des Nations ? L'équilibre irréel au lieu de l'équilibre réel.
Quelle sera désormais la nature de nos rapports avec l'Allemagne ? C'est la première des questions. C'est le bout de la chaîne. Et l, il n'y a pas de doute. Il n'y a pas de choix. Si nous avons échappé à la dépendance de l'Allemagne, nous restons dans la dépendance du problème allemand.
Homme de la guerre, M. Clemenceau n'était pas préparé à la paix.
Quand le conseil des Alliés chercha le moyen de désarmer l'Allemagne, il oublia le meilleur, qui était de ne laisser subsister que de petites armées attribuées à chacun des États allemands.
On nous a dit qu'une politique réaliste et pratique le voulait aussi, qu'une grande Allemagne aux rouages simplifiés, formant un tout économique, serait, pour nos réparations, un débiteur plus sûr qu'une Allemagne composée de petits États médiocrement prospères. Ce raisonnement commence à apparaître comme une des folies les plus remarquables de l'histoire moderne. Nous y avons gagné que 40 millions de Français sont créanciers d'une masse de 60 millions d'Allemands, et pour une créance recouvrable en trente ou quarante années.
O naïfs diplomates napoléoniens, disions-nous alors, savez-vous ce qui arrivera ? C'est que vous n'aurez pas les provinces rhénanes et que l'Allemagne gardera l'Autriche.
Elle ne renonce pas à l'espoir de la prendre un jour. C'est, à portée de sa main, une tentation permanente.
Rien n'est fini peut-être, et la fragilité de la paix laisse entrevoir plus d'une possibilité de bouleversements dans l'Europe centrale. Ces bouleversements ne nous seront pas nécessairement favorables et ils nous exposeront à de nouveaux dangers, ils exigeront de nous de nouveaux efforts. Un rendez-vous à une autre fois est probablement donné à l'Allemagne et à la France.
« L'Allemagne n'accepte pas sa défaite. »
— André Lefèvre
Pourquoi l'idée d'une revanche allemande est-elle si peu absurde que nous soyons obligés de revenir au régime de la paix armée ?
Mille ans d'histoire avaient vu déjà bien des changements, bien des retournements de situation entre l'Empire germanique et la France. La période 1871-1914 a vu s'accomplir une expérience toute particulière. La France et l'Allemagne avaient achevé leur unité.
Quelle que soit l'immensité des événements (et il ne peut y en avoir qui dépassent ceux de la guerre universelle), il existe toujours un lien entre la situation qui suit un bouleversement politique et celle qui l'a précédé.
De la défense passer à l'agression, il n'y a qu'un pas : les motifs sont les mêmes. La possession d'un bon instrument militaire donne fatalement l'envie de s'en servir.
Mais les événements ne suivent jamais la voie qu'on leur assigne, surtout quand on veut que les choses soient autrement qu'elles ne sont, ce qui, disait Bossuet, est « le plus grand dérèglement de l'esprit. »
Cette Allemagne à qui il est défendu, justement défendu, pour des raisons d'intérêt européen, de compléter son unité par l'
Anschluss, elle garde d'autre part cette unité, inachevée à ses yeux. Elle reste un centre d'attraction puissant pour la petite République de Vienne. L'accessoire est séparé du principal. Et l'accessoire est sans défense, réduit à une vie misérable et précaire.
Grand est le nombre des hommes qui subissent, qui vivent, souffrent et meurent sans avoir interrogé. Petit le nombre de ceux qui cherchent à déchiffrer les causes pour lesquelles ils payent jusque dans leur chair.
Pour Macbeth mourant, Shakespeare adresse au monde son adieu et son mépris : « Une fable contée par un fou, avec un grand fracas de mots et de gestes, et qui ne signifie rien ». Voltaire a vu les hommes s'agiter. Il a écrit les annales de dix peuples. Il désespère d'expliquer. Il refuse d'encourager les politiques et les historiens : « Le gros du genre humain a été et sera toujours imbécile ; les plus insensés sont ceux qui ont voulu trouver un sens à ces fables absurdes et mettre de la raison dans la folie ». Shakespeare et Voltaire se rencontrent dans le dédain et dans la pitié. Rien n'instruit et rien n'améliore. L'expérience des pères est perdue pour les enfants. L'humanité tourne dans un cercle de douleurs.
On peut conclure à l'indifférence, à l'inutilité de tout. C'est bien si, pour son compte, on est résolu à endurer les suites de la sottise en se consolant de ce qu'il souffre par l'âcre plaisir que procure le spectacle de l'universelle insanité.
Nous aurons les conséquences. Et nous les aurons tous. Elles viendront chercher l'ironiste et le philosophe. On ne sépare pas son sort de celui des nations. Ou bien on ne l'en sépare qu'à la condition de renoncer à soi-même pour se moquer du genre humain.
La sécurité manque à tous ces pays dont la construction n’est ni naturelle ni rationnelle. La force leur manque également. Et quand des peuples ne se sentent ni forts ni sûrs, leur politique louvoie.
Si les nouvelles nations vivent toutes, nous avons chance de voir, entre amis et ennemis d’hier, les alliances les plus bizarres et aussi les plus instables. On sait que le nombre des combinaisons d’un jeu de trente-deux cartes est presque infini, et l’Europe compte désormais trente-deux États entre lesquels les combinaisons pourront également varier à l’infini au gré des événements, des passions et des intérêts.
L’histoire est d’une fatigante monotonie.
L’artificiel, c’est le décret qui rend à un peuple l’indépendance sans lui donner les moyens de la garder et qui le met de prime abord en état d’infériorité vis-à-vis de ses ennemis-nés.
La Pologne a été restaurée au hasard. C’est un enfant mineur chargé de se conduire seul dans la vie. On n’a pas songé un instant qu’à une Pologne morte autrefois de la mauvaise qualité de ses institutions, il n’était pas donné des institutions meilleures. Une République de Pologne succède à la République de Pologne. À aucun point de vue, il n’était raisonnable de semer la démocratie parmi les peuples libérés de l’Europe centrale et orientale. Les résultats peuvent être rapidement funestes.
Voilà un document à lire et à méditer aujourd’hui. Il faudrait pouvoir le relire quand un siècle aura passé.
L'Autriche, qui n'était pas une nation mais un État, qu'on pouvait rogner, modeler, déplacer selon les besoins de l'heure, cette commode Autriche n'est plus. À sa place, des nations ont surgi. Et quand on taille dans la chair d'une nation, elle crie, elle résiste.
Des ennemis, partout des ennemis. Tel est l'état d'esprit que la paix a créé chez les Italiens.
ANALYSES
VIDÉOS
Aucune vidéo pour ce livre.
HISTORIQUE
2025-04-19 16:21:48 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 16:15:57 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 16:06:51 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre VIII.
2025-04-19 15:30:56 -
Bardamu :
Ajouté les personnages de l’appendice au chapitre VII.
2025-04-19 15:30:38 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 15:15:35 -
Bardamu :
Ajouté les derniers personnages du chapitre VII.
2025-04-19 15:11:38 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 15:07:25 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 13:44:54 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre VII.
2025-04-19 13:40:02 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 13:24:50 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre VII.
2025-04-19 12:43:21 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre VII.
2025-04-19 12:28:18 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-19 12:26:49 -
Bardamu :
Ajouté les derniers personnages du chapitre VI.
2025-04-19 09:38:42 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre VI.
2025-04-19 09:37:47 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 22:26:09 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre VI.
2025-04-18 17:59:32 -
Bardamu :
Ajouté les personnages du chapitre V.
2025-04-18 17:49:22 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-18 17:47:14 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 17:47:06 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 17:26:36 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-18 17:25:55 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 16:25:48 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 14:08:47 -
Bardamu :
Ajouté les derniers personnages du chapitre IV.
2025-04-18 13:52:11 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 13:31:45 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 13:19:27 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 10:01:47 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre IV.
2025-04-18 09:43:56 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 09:29:10 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 08:57:37 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-18 08:55:41 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-18 08:55:19 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-17 22:20:53 -
Bardamu :
Ajouté les derniers personnages du chapitre III.
2025-04-17 22:20:40 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-17 22:09:18 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-17 22:05:34 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-17 21:59:16 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-17 14:51:59 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre III.
2025-04-17 14:48:11 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 20:02:59 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre III.
2025-04-15 18:13:04 -
Bardamu :
Ajouté des anecdotes.
2025-04-15 18:10:05 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre III.
2025-04-15 14:51:43 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:49:31 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:48:38 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:43:58 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:41:41 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:36:10 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:33:16 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:29:16 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:27:24 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:25:42 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 14:13:33 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-15 12:59:33 -
Bardamu :
Ajouté des personnages du chapitre II.
2025-04-15 07:52:05 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 18:38:37 -
Bardamu :
Ajouté les personnages du chapitre II, partie 2.
2025-04-14 18:38:24 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 18:36:25 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 18:35:31 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 18:14:32 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 18:13:18 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 16:47:07 -
Bardamu :
Ajouté certains personnages du chapitre II.
2025-04-14 13:19:37 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-14 13:16:25 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 13:11:55 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 13:11:02 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 12:58:15 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 12:38:04 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-14 11:58:22 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 18:59:41 -
Bardamu :
Ajouté les personnages du chapitre I.
2025-04-13 18:57:59 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 18:50:03 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 18:09:45 -
Bardamu :
Personnages mis à jour.
2025-04-13 17:38:08 -
Bardamu :
Personnages mis à jour.
2025-04-13 17:35:13 -
Bardamu :
Personnages mis à jour.
2025-04-13 17:33:03 -
Bardamu :
Personnages mis à jour.
2025-04-13 17:17:39 -
Bardamu :
Ajouté les personnages de l'introduction.
2025-04-13 17:07:27 -
Bardamu :
Ajouté une photo.
2025-04-13 17:06:48 -
Bardamu :
Ajouté une photo.
2025-04-13 17:05:40 -
Bardamu :
Ajouté une photo.
2025-04-13 16:23:17 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 16:20:12 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 16:09:22 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 11:55:15 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-13 11:45:25 -
Bardamu :
Histoire mise à jour.
2025-04-13 11:42:56 -
Bardamu :
Histoire mise à jour.
2025-04-13 11:40:02 -
Bardamu :
Histoire mise à jour.
2025-04-13 11:19:44 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-13 11:19:38 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-13 11:19:26 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-13 11:13:00 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-13 11:12:51 -
Bardamu :
Citation mise à jour.
2025-04-13 11:10:56 -
Bardamu :
Nouvelle citation.
2025-04-08 18:46:03 -
Bardamu :
Liens ajoutés.
2025-04-06 05:31:39 -
Bardamu :
Ajouté une description.
2025-04-06 05:31:18 -
Bardamu :
Ajouté un résumé.